Vendredi dernier aux aurores (le soleil se lève de plus en plus tard le flemmard), quittant le bureau afin de me rendre-moi (rendez-vous, mais j'étais seul...), je vis un rassemblement de personnes et une voiture de police à l'entrée du parc (qui n'est pas de tête d'Or) où nous œuvrons. Croyant à un incident, voire un décès tant les gens regroupés semblaient tristes, comme lors d'un enterrement, je poursuivis mon chemin bien conscient que, même comme on le répète à l'envi, si le but n'est pas l'essentiel, mais bien le parcours, il convenait de ne pas être en retard à ma réunion…
Revenu dans l'après-midi, on me fit part de l'expulsion de la famille de Roms qui y résidait depuis quelque temps, éclaircissant malgré le temps gris et pluvieux mon questionnement furtif matinal. Cette maison abandonnée avait été un temps leur refuge, leur offrant un peu de “normalité“ avec un toit, quelques fenêtres au verre parfois brisé, de l'eau, etc. Meublée si ce n'est avec goût, tout du moins avec quelques éléments disparates de “confort“ (canapé bancal, table, chaises, etc.), elle leur permettait de mener une vie simple et un peu protégée, sans aucune gêne pour quiconque à ma connaissance : odeurs de cuisine, bribes de musique, et shampoings en plein air, étaient à peu près les seules manifestations de cette présence nomade devenue pour un temps sédentaire.
Cette maison, transformée en bureaux, est demeurée vide pendant au moins 7 ans, date de notre arrivée. Frappée d'alignement, elle est vouée à la destruction, lorsque les finances publiques le permettront, ce qui risque de prendre encore un certain temps… Ce vendredi, toutes les ouvertures de la bâtisse ont été occultées par de lourdes plaques de fer, comme si ce petit coin devait être désormais interdit de bonheur. Quelle mouche a donc piqué le décideur pour mettre un terme à cette parenthèse paisible dans la vie de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants ? Les préfère-t-il dans de piteuses cabanes faites de bâches, de planches et de cartons, pataugeant dans la boue en imaginant que c'est ainsi qu'ils seront mieux accueillis, mieux perçus, mieux “intégrés“, comme on dit ?
Je suis allé voir ces “pauvres gens“ pour leur demander ce qui s'était passé ainsi que la permission de prendre quelques photographies, afin de relater cette histoire “misérable“. Le regard des enfants, l'incompréhension (et non la colère) de celui que je supposai être le “chef“ de famille, les larmes de certaines grands-mères parfois malades, la bâche (ah cette fameuse bâche !) posée à la hâte afin de protéger de la pluie leurs maigres possessions, m'a attristé et mis en colère, tant la situation m'est apparue imbécile. Sauf à ce que la maison ne disparaisse aujourd'hui, cette semaine ou même dans un mois lorsque les engins chargés de sa destruction y mettront fin, à quoi aura servi ce zèle et cette précipitation ?
Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond.
Pour continuer dans l'absence de rondeur, nous avons eu la déconvenue de ne pas avoir été retenus pour un appel d'offres : certes, ce n'est pas la première fois, mais les raisons en sont presque irréelles tant on atteint des sommets dans le n'importe quoi. Sans dévoiler l'objet de la consultation ni le nom du maître d'ouvrage, fort aimable et élogieux au demeurant, l'offre que nous avions estimée à 16 000 € a été refusée au profit de 3 candidats dont le budget était compris entre 2 000 € et 8 000 € : quand je vous disais qu'il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond. Néanmoins, j'en retiens qu'il ne faut jamais avoir trop de certitudes, en cette matière comme en bien d'autres, car tout peut basculer du jour au lendemain…