Ayant à fer en chemin, j'emprunte régulièrement des voies sans forcément de voix : les passagers en trains sont en effet et paradoxalement de moins en moins entrains à dispenser leur parole. Il m'arrive à de rares exceptions, d'observer, songeur, le paysage défiler à côté de moi, bien que celui-ci ne se déplaçant pas, ce soit moi en vérité qui pratique cet exercice qui n'a rien de militaire pas plus de couture haute ou basse. Intrigant, ce mot défilé : on se montre, on s'affiche, alors que se défiler… Comme quoi, quelques lettres peuvent tout changer.
Quelques détails si ce n'est remarquables, tout du moins remarqués, parsèment ainsi mon parcours où les vaches qui paissent, passent, et pissent (comme quoi quelques lettres…) se montrent à mon hublot bien que de moins en moins visibles, la tendance étant à l'élevage en mode clos de masse plus rentable. Ces détails, qui, en raison de leur allure et surtout de la mienne, rompent la monotonie soi disante (ici taisante) du paysage, parlent pourtant bien plus que mes compagnons provisoires ; ils sont constitués de prés, de près, de loin, de cyprès, de tas d'étangs, de tant de tas, de ruines, de rues in et out, des routes, de Triumphs et autres épaves, éparses, de cimetières, de cimes de terre, de bourgs beaux, de barres laides, de chenal, de cheval, de délaissés, de laissés pour compte, de carcasses, de cars cassés, etc. Bref de tout ce qui n'est rien mais constitue au final quelques chose.
Il ont été aperçus par moi et par d'autre des centaines, des milliers, des millions de fois et pour autant, ont-ils tous un réel intérêt ? Et cependant notre “civilisation“ (?) numérique balbutiante ne fait plus que la part belle à ce qui aura été vu en plus grand nombre, en clair à la quantité consommée (où l'on en revient à l'élevage en mode clos de masse...).
Il ne m'étonnerait pas que nombre de chef d'œuvres ou d'œuvres tout court (la grandeur ne fait rien à l'affaire !) auront été bien moins observés que tout autant d'images et de mots aussi abrutissantes qu'éphémères qui peuplent désormais notre espace et rythment notre espèce (comme quoi quelques lettres…). Il est ainsi devenu coutumier, de commenter le succès de quelqu'un ou d'un événement en évoquant le nombre de vues qu'il engendre sur les réseaux qui n'ont pas grand chose de sociaux : plus il est important plus il est, aux dires de ces nouveaux faiseurs, synonyme de réussite. La belle affaire : il faudrait peut-être redire (ou revoir) qu'entendre ce n'est pas écouter, que voir ce n'est pas regarder et encore moins comprendre ou aimer…À bon voyeur, salut !
Qu'à cela ne tienne (ah, si ça ne tenait qu'à moi…) : on ne vous en voudra pas si vous allez voir notre projet d'identité visuelle pour la communauté d'agglomération du Grand Cognac. À la votre ! Et n'hésitez pas à vous resservir sans modération, ou à revoir encore et encore : il paraît que c'est c'est comme ça qu'on nous fait désormais exister.